Quand nos nuits se posent et que la colo finit enfin par trouver son rythme. Quand au fil du temps on ne cherche plus les jeunes puisqu’en confiance ils nous disent où ils sont. Quand j’ai trouvé ma place dans ce monde là et que j’y suis à l’aise.
Alors j’ouvre les yeux et je profite.
Je profite des soirées calmes où certaines chambres me demandent un petit moment d’intimité. Les grands échalas sont étalés sur leur lit à étage, et moi je raconte. Ils me donnent des mots avec lesquels je leur tisse une histoire. Ils en réclament encore. Et un petit bisou avant de dormir : ils ont parfois 5 ans et c’est bon de les trouver enfants.
Je me délecte de les observer dans les relations à l’autre. Celle-ci enfile vite sa chaussure mais j’ai le temps de voir un préservatif au fond. C’est la belle et grande brune qu’un musicien oiseau de nuit a séduite. A moins que ce ne soit l’inverse. Plus la peine de leur faire comprendre que j’ai compris et qu’il faudrait qu’ils se protègent : ils vivent joliment et discrètement leur histoire. Et c’est bien comme ça.
Je profite de moments volés dans les studios de répétition et me permets de leur dire quand certains passages me semblent encore à travailler. Je les ballade dans mon J9 sur les places de marché, pour des concerts psychédéliques destinés aux vacanciers.
Finale de coupe du monde de foot : les animateurs s’allient à l’Italie, pour faire front avec notre jeune italien à toute une bande de pro-brésiliens. Je joue au Trivial Pursuit avec les non footeux, mais juste devant la porte de la salle... ne pas perdre une miette de cette ambiance délirante. Le trivial se vit avec autant de fougue que le match est regardé. C'est chouette.
Nous jouons toujours au théâtre… les jeunes montent des mini pièces où ils en profitent pour dire ce qu’ils ont sur le cœur, leurs rancoeurs, les peurs et la colère contre certaines choses qui se sont passées depuis qu’ils sont arrivés. Dommage, les destinataires ne sont pas présents aux représentations.
Le salon d’extérieur ne désemplit pas de dévoreurs de BD. Les soirées barbecue dans la cour du château, devant le bar en terrasse, sont un régal.
Un groupe d’adultes, venus jouer au go toute la journée, et une master class de jazz nous en mettent plein les yeux et les oreilles. De grands noms viennent dans ce château. Et nous, tout simplement.
Un soir la cour s’enflamme pour laisser place à la musique. C’est fête, et c’est le bonheur. Certains ont leurs anniversaires, ils doivent s’en souvenir.
La colo s’achève par une boum, comme de bien entendu. Chouette fête où la musique est en live, chouette fête où l’on se dit au revoir. C’était dur, mais c’était tellement fort. Les au revoir sont intenses. Ils ont su trouver quelques repères même si nous en manquions. Je crois même que les moments trop durs ont permis de souder le groupe. Je ne suis pas la seule à avoir grandi en trois semaines… et le car s’en va en refermant cette parenthèse.
Il ne reste plus que moi, et mes 5 jeunes du début. Le car qui devait nous conduire à l’aéroport nous a oubliés. C’est alors un jeu interminable d’abord pour trouver un taxi, puis pour trouver 6 places dans un même avion. Nous arrivons en retard à Paris. Ce fils là retrouve son père, celui qui ne me faisait pas confiance au départ. Il n’est pas content, limite furieux de notre retard. C’est très dur tellement j’ai l’impression d’avoir lutté toute la colo pour faire de mon mieux pour être présente, pour être adulte. Mais je sais aussi que cet homme là avait raison d’être inquiet en nous confiant son fils.
La fin de cette colo sonne un peu comme un miracle. un miracle qu'on doit à ces jeunes là, qui voulaient passer de chouettes vacances, qui en ont passé des inoubliables. Je rentre exténuée, et bien décidée à arrêter les frais, bien décidée de ne plus partir. Jamais.
(Les ados - fin)
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