L’homme s’arrête, me regarde de la tête aux pieds. Des pieds à la tête. Il me dévisage.
Sa main serre trop fort la poignée de la valise qu’il porte.
Sourcils froncés…
« Quel âge avez-vous ? »
Je mens un peu, et me vieillis d’un mois pour obtenir en une fraction de seconde la majorité absolue, le droit d’être adulte et responsable même si ça ne se voit pas.
Je croyais être un peu grande maintenant que j’aimais avoir le trac, que je savais gérer mes craintes et aider les enfants à gérer les leurs. Cet homme là me replonge à mes débuts, je ne sais plus ce que je fais là.
Je dois me justifier, donner mon curriculum vitae, celui des collègues que je rejoins. Me défendre d’être la plus jeune aussi. Je dois justifier mes diplômes, mes quelques expériences, prouver que je suis animatrice.
Il faut que lui l’entende, mais aussi son fils, sinon j’aurai tout raté.
L’homme me dévisage à nouveau. Il a peur pour son fils. Un long interrogatoire continue, ponctué de regards et de silence.
Nous sommes à l’aéroport. Je suis toute seule pour assurer le voyage de cinq jeunes, pour rejoindrent avec eux le lieu de leurs vacances.
Ils sont tous là. Premiers regards, premiers contacts, avec leurs parents pour témoins. L’instant où l’ado est petit mais joue au grand. Je ne suis pas beaucoup plus fière qu’eux.
Les valises, les instruments, enregistrement des bagages. C’est l’heure de l’embarquement, l’interrogatoire est terminé. Nous prenons l’avion pour une heure seulement, petite traversée d’un petit bout de France.
Cette fois il n’y aura que des adolescents. Ils seront juste à peine plus jeunes que moi… Ils seront 68.
Nous arrivons les premiers dans le château fort en haut de sa colline. L’endroit est magique. L’autocar avec le groupe de jeunes et l’équipe atterrit à son tour devant le portail.
Sur 68, il y a plus de 40 garçons. Ils sont très grands, beaucoup plus grands que moi. Ils portent des t-shirts noirs, les cheveux longs, le regard qui se veut dur. Ils sont venus faire du rock.
Ils n’en finissent pas de descendre de ce car, j’ai le vertige.
Mais qu’est-ce que je fous là avec ma flûte traversière ?
L’homme avait peut-être raison. Je ne suis peut-être pas encore adulte et responsable…
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