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    15 février 2009 7 15 /02 /février /2009 12:21

    C’est une classe de CM2, une classe tenue par un de ces instits mordants, aussi passionnés que passionnants, qui se lance des défis de réussite autant qu’il les lance à ses élèves. Ils croient en eux, alors qu’eux y croient si peu.


    Je fais intrusion dans cette classe pour leur présenter le spectacle. Benjamin Britten, compositeur anglais du début du 20
    ème siècle a composé un opéra pour chœur d’enfants. C’est celui là que cette classe viendra écouter et voir la semaine prochaine, dans une mise en scène épurée.

    Seulement voilà… leur instituteur n’est pas là. Il est remplacé par une jeune femme qui, elle-même, croit très peu en elle. Elle s’efface au fond de la classe et me laisse seule face à des enfants perdus dans leurs corps trop grands, et dans leur vie où les limites ont l’air bien floues.


    Ils m’attaquent. Il est question d’argent. Pourquoi leur demander de payer quelques francs pour assister à un spectacle puisqu’il est joué par des enfants qui ne seront pas payés. Je prends la craie et on décortique ensemble tout ce qu’il y a à payer pour que le spectacle puisse avoir lieu, même dans ces conditions là. Même s’ils trouvent seuls les réponses à leurs questions, ils restent sceptiques… que va-t-on vraiment faire de cet argent…


    Mais j’en ai assez je ne suis pas venue là pour ça. Alors je m’asseois sur une table, et je parle. Je commence par « Il était une fois… » et je déroule l’histoire de ce jeune mousse, de la tempête, du naufrage. Je les sollicite aussi pour les amener à la mise en scène du spectacle : il n’y aura pas de décor, toute l’ambiance est jouée par les petits chanteurs.


    Petit à petit, leurs visages s’appaisent, les yeux qui étaient baissés se lèvent. J’aime le moment ou les bouche s’ouvrent pour que leurs oreilles écoutent mieux. Au fond de la classe, la jeune maîtresse a la même attitude qu’eux.


    L’histoire est finie, les enfants sont conquis et on se donne rendez-vous la semaine suivante, je les accueillerai à l’entrée de la Maison de la Musique.


    Dans le couloir, la maîtresse me cueille : « c’était sympa, merci. Mais bon de toutes façons on viendra pas, ils sont trop durs. » Je lui demande si elle était là, si elle a suivi tout ce qui venait de se passer. Si ces enfants qui croient si peu aux adultes ne viennent pas parce que ça lui fait peur… c’est le monde à l’envers.


    Alors je lui promets, je lui promets de les accueillir dès l’arrivée du car, de les placer spécifiquement dans la salle pour qu’ils ne soient pas tous ensemble, je lui promets aussi de tout mettre en œuvre pour que cette classe puisse rencontrer le groupe de chanteurs à l’issue du spectacle.


    Je rentre au bureau fatiguée, et je n’ai pas envie qu’ils ne viennent pas. J’ai insisté auprès du directeur, pour qu’il rassure sa jeune remplaçante et qu’elle vienne.


    Les cars arrrivent les uns après les autres. « Ma » classe n’est pas encore là. Le directeur de l’école m’a confirmé leur venue la veille, mais cette maîtresse est effrayée et je crains qu’elle ne se désiste au dernier moment.


    Enfin les voilà ! Assis par terre dans le hall, je leur explique les règles. Ils les connaissent, ils viennent en spectales avec leurs écoles depuis la petite section de maternelle. Mais c’est toujours bon de les leur rappeler, et cette salle est plus grande, plus vraie, plus pro que la petite salle habituelle.


    Je leur explique qu’ils seront devant, aux premiers rangs. Les enfants sur scène ne verront qu’eux, ils ont besoin de leur regard pour réussir leur spectacle. Ces enfants là leur donnent d’ailleurs rendez-vous à la fin du spectacle pour se raconter les choses, confrontation de la salle à la scène, de la scène à la salle pour échanger des mots après avoir échanger des regards.


    La maîtresse est effrayée, elle voulait qu’ils soient éparpillés dans la salle. Je lui confie ma crainte de les voir en petits groupes épars, qu’ils se cherchent et fassent front en occupant finalement tout l’espace. Je préfère leur donner une place valorisante et utile.


    Le noir se fait, je m’installe avec eux. Un clin d’œil à la demoiselle au walkman qui dépose ses oreillettes, j’aide un trop grand à enlever son blouson qui fait du bruit. Les enfants de l’opéra entrent sur scène. Ils ont compris eux aussi, et choppent du regard les durs du premier rang. Au fil du spectacle, certains se retournent pour croiser mon regard. Ils sont conquis, les bouches sont ouvertes, et leurs corps se balancent au rythme de Benjamin Britten.


    Je ne me souviens pas de ce que ces enfants se sont dit après le spectacle, j’étais juste bien. Juste bien de les voir heureux, les petits sur scène et les grands en bas. Des grands qui se sont mis debout pour applaudir la prestation des jeunes chanteurs.


    Ce moment a pu avoir lieu parce qu’un insititeur passionnant et passionné avait déjà soudé cette classe, qui a su retrouver le temps d’un spectacle son potentiel de réussite.

     

     


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    commentaires

    F
    "J’aime le moment ou les bouche s’ouvrent pour que leurs oreilles écoutent mieux."C'est exactement ça et à ce moment là, même les plus difficiles deviennent les plus adorables des enfants qui écoutent. Beau travail que tu as fait ;-)
    Répondre
    F
    (ben tu vois, moi personne m'a jamais emmené à l'opéra, j'aurais pas dû faire allemand première langue)
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    A
    Tes posts sont toujours aussi passionnants. Bravo pour ce travail que tu as fait avec les enfants. Comme quoi... quand on veut, on peut toujours trouver leur côté positif, même chez les plus dures.... Bisous à Amandine.
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