Le train n’est pas encore parti et toi tu pleures. Je te parle mais tu ne le sens pas. Je te touche mais tu ne me vois pas. Je te regarde mais tu ne m’entends pas. Je suis là mais tu ne le sais pas.
Le train est parti et je comprends tes pleurs maintenant. « Ma valiiiiise ! ». J’essaie : « tu veux que je ramène ta valise près de toi ? » J’ai fendu la coquille et ça y’est tu m’as vue.
Petit bout de femme petit poussin perdu.
Tu renifles tu dis oui. Ta valise est très grande, on pourrait te ranger dedans. Ta valise est rouge. Quelqu’un la range au dessus de ta place, escargot a retrouvé sa coquille. Ça va aller mieux maintenant.
Je te dis mon prénom, je lis le tien sur un bout d’étiquette. Mais ça ne va pas mieux. Tu pleures de nouveau, tu pleures de plus belle. « Ma coueeeeettte ! »
Petit bout de femme petit poussin perdu.
Je ne comprends pas pourquoi tu me parles de tes cheveux. Tu me montres ta valise. On finit par comprendre et tu trouves ta couette. C’est pour ça que la valise est grande, il fallait mettre la couette dedans.
Tu as retrouvé ta valise et ta couette, mais pas encore ta coquille. Si je m’éloigne, tu pleures. Mais je m’éloigne quand même. Tu te bouches les oreilles et tu cries : « Nellyyyyyyyyyy ! »
Petit bout de femme petit poussin perdu.
Souvent je me suis éloignée de toi. Souvent tu as percé les tympans des copains. Un jour tu t’es agrippée aux tuyaux d’une salle de bain jusqu’à ce que je vienne. Tu étais plus que perdue dans un monde pas fait pour toi.
Un autre jour, tu as eu du courrier. C’était signé papa et maman. C’est moi qui te l’ai lu, tu étais trop petite. Tu t’es mise en colère. Cette fois là, tu n’as pas pleuré, tu as trouvé des mots. Pour dire que ton papa et ta maman te mentaient, « ce n’est pas vrai, ils ne sont pas ensemble, ils veulent que me faire croire, ils sont plus amoureux ». Tu as crié longtemps. Tes mots étaient méchants,durs, mais tu ne pleurais plus.
Et puis nous sommes rentrés. Ta grande valise rouge au dessus de ta place, ta couette avec toi, et puis moi pas très loin. Tu étais contente de les retrouver.
Ils t’attendaient ensemble. Mais tous les deux pensaient que l’autre partirait avec toi. Tu étais attendue, mais tu n’étais pas prévue dans leur programme. Ils t’avaient éloignée pour s’occuper de leurs souffrances d’adultes. Ils t’avaient éloignée pour t’épargner, mais tu avais tout compris. Et rien n’était réglé.
Petit bout de femme, petit poussin perdu… j’espère qu’ils t’ont retrouvée.
Tu m’as épuisée, mais je ne t’ai pas oubliée…
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